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Retour sur le Rhum Fest Paris 2017

Les 22, 23 et 24 Avril derniers, le parc floral de Paris accueillait la quatrième édition de la grand-messe des amateurs de rhum. C’est dans ce genre d’événement que l’on découvre le vrai super pouvoir du rhum : distiller les sourires et la convivialité. Les rhums du monde entier et leurs représentants, la forêt de chapeaux de paille et de cocktails, les masterclasses de haut niveau et l’organisation sans faille ont fait de ce Rhum Fest 2017 une édition vraiment mémorable.

Si je devais faire une remarque pour l’année prochaine, ce serait de prévoir une semaine complète ! J’ai pu m’y rendre pour une journée et je suis loin d’avoir pu m’attarder sur les 135 marques présentes. Si chaque marque ou distillerie ne présentait qu’une ou deux bouteilles, il serait presque envisageable de faire un bon tour d’horizon, mais les gammes s’étoffent et les variations sur le thème de la canne sont infinies. Dans les exposants : des grands noms, des petits artisans, et beaucoup de nouveautés, preuve de l’excellente santé de notre boisson préférée. Alors on a beau essayer de se faire un petit plan d’action, on est vite interpellé par une nouveauté par-ci, une animation par-là, ou on est pris dans une discussion avec un producteur passionné. Au final on oublie la moitié des choses que l’on voulait voir mais on découvre de jolies surprises.

Les masterclasses étaient également bien alléchantes : Neisson et son terroir, Guillaume Ferroni et ses recherches sur les finitions, une conférence de Matthieu Lange sur l’histoire du goût du rhum, une ode au Pot Still de Richard Seale etc etc… Heureusement, toutes ces masterclasses étaient retransmises sur les réseaux sociaux et peuvent donc être vues en replay.

À peine arrivé sur le salon, rencontre avec un passionné passionnant dont les rhums sont très appréciés par les membres de l’équipe Rhum Attitude (et cela ne risque pas de changer après ce Rhum Fest) : Guillaume Ferroni. Outre la série des bruts de fût déjà sortis depuis un moment, quelques nouveautés toutes fraîches Made In Marseille :
Ferroni Dame Jeanne

La Dame Jeanne n°3, un rhum blanc à base de canne rouge. Il s’agit d’un assemblage d’eaux-de-vie provenant de chez Longueteau en Guadeloupe et de Chamarel à l’île Maurice (avec une majorité de Longueteau). C’est un rhum blanc très doux avec un nez de canne bien confite. Bien présent en bouche grâce à ses 57%, il offre une canne naturelle et subtilement poivrée. Quelle belle façon de commencer une journée !

 

Le Tasty Overproof est un assemblage de jeunes rhums de mélasse de Jamaïque et de rhums pur jus de l’île Maurice et de la distillerie du Simon en Martinique. L’assemblage est passé en barriques de vin cuit de Provence, une appellation oubliée, qui va donner de la gourmandise aux 74% de ce rhum fougueux. Au nez nous avons un rhum fringant, à la façon d’un Worthy Park plutôt léger, floral et sec. La bouche est étonnement ronde, miellée et fruitée. Une version plus âgée sera certainement testée bientôt.

 

C’était aussi le retour de la Guildive 1800 que nous avions découvert il y a deux ans. Toujours produite en très petites quantités, cette cuvée propose de découvrir le rhum tel qu’il était à ses origines. Le nez est très frais et médicinal, mais un peu terreux à la fois, avec des pointes de truffe. Les notes de saumure d’olive traduisent également une grosse fermentation. En bouche on est proche d’un rhum grand arôme avec des arômes très lourds, malgré une réduction importante et un petit manque d’intensité.

 

Ferroni Ciseaux

Enfin, Guillaume présentait en exclusivité une première mouture des Ciseaux, une redistillation très précise d’un rhum blanc où seul le cœur de chauffe est conservé. Le résultat est un rhum fin et délicat, avec une canne soyeuse et une petite touche de marron glacé et d’artichaut.

Un petit pas de côté et Marc Battais nous attendait au Bar des Nouveautés, avec sa gouaille et une flopée d’incontournables du salon regroupées sur ce bar.

On démarre avec le dernier Don Papa, marque best-seller qui fait couler beaucoup d’encre et qui a décidé de parler aux amateurs plus pointus. Loin du rhum vanille très bonbon que l’on connait, voici le Rare Cask. C’est un rhum sec, puissant et boisé. Marqué par des notes de miel, de vanille et de cire d’abeille en bouche, il se rapproche des rhums classiques de tradition Hispanique.
Direction l’Indonésie avec le rhum Naga. Il s’agit plutôt d’un batavia arrack, une eau-de-vie de mélasse de l’île de Java pour laquelle on a ajouté du riz rouge lors de la fermentation. C’est un assemblage de distillats de Pot-still et de colonne assez doux et sucré, malheureusement pas très expressif.

Mezan Jamaica 2005

Le Mezan Jamaica 2005 vient de la distillerie Worthy Park et l’embouteilleur a eu la bonne idée de le proposer à un degré d’alcool plus élevé que d’habitude. Nous avons la banane typique des Worthy Park et le surplus de puissance permet de développer des notes végétales, voire un peu médicinales, qui vont bien perdurer au palais.

Nous avons enfin pu découvrir le fameux HSE Marquis de Terme fini en fût de vin de Bordeaux (Margaux). C’est certainement une des plus belles réussites de la série des finitions du monde. Marqué par le vin au départ, il s’ouvre sur les fruits rouges, puis il commence à révéler un bois frais qui nous transporte directement dans un chai de vieillissement. Avec une bonne intensité en bouche et l’astringence du bois et des tanins, le mariage est réussi et met en valeur la typicité boisée de HSE.
Autre agricole du bar des nouveautés : Le Trois Rivières finish Whisky, un rhum ambré boisé qui a du mal à cacher son jeune âge et un certain côté alcooleux.

 

Depaz

Continuons avec la Martinique et Depaz qui propose ici deux nouveautés :

Le Hors d’âge finition Porto : assemblage composé de rhums d’au moins 8 ans d’âge, il a bénéficié d’une finition de 11 mois en fûts de Porto. Fin au nez, fruité, sur la canne, il se referme assez vite en bouche pour une finale assez sucrée et vanillée.

Le Single Cask 2003 : un très vieux rhum de 13 d’âge qui respecte bien sa tradition. Assez frais, boisé, il accroche bien le nez et ne déçoit pas en bouche. Plutôt sec, il restitue quelques notes de fermentation et un peu de caramel.

 

Quittons Marc et le bar des nouveautés pour le hall suivant où La Mauny nous accueille avec deux surprises :

La Mauny Acacia

Comme son nom l’indique, le rhum blanc Acacia a passé quelques mois en fûts d’acacia, ce qui lui a permis de se détendre, de s’arrondir, tout en conservant ses arômes de canne, d’agrumes et de poivre.
L’Ananas de La Mauny est un produit pour cocktails, à base de rhum infusé à l’ananas et au gingembre. Il peut aussi se boire frais avec un dessert par exemple.

Comme une envie de rhum agricole pour ce début de salon, voici JM qui propose deux millésimes intéressants : le tout nouveau 2004 et le 2000 étiquette cuir avec 15 ans de vieillissement :

Le millésime 2004 est un superbe rhum agricole. Le nez est très beau, sur les tanins fondus et les fruits à coque torréfiés et moulus. Equilibré en bouche, on n’est pas sur les épices mais plutôt sur le jus de canne, avec un peu de bagasse. J’ai beaucoup apprécié le fait d’être face à un rhum mature qui a su conserver les atouts de sa jeunesse et qui a su mettre en valeur la canne fraiche qui l’a vu naitre.

JM 2000

Le millésime 2000 est de facture plus classique. Epicé et boisé au nez comme en bouche, c’est un rhum franc et sec qui ne transige pas avec la tradition. Vous pourrez le comparer avec le millésime 1998 du même âge, le jour et la nuit !

C’est du Laos que provient sans doute le rhum le plus original de ce Rhum Fest. Rhum de pur jus de canne issue d’une agriculture raisonnée, il est élaboré par une technique de distillation sous vide et a été reposé plus de deux ans avant d’être proposé en « White » ou en « Brown » à 42%.

Laodi

Le Brown n’a pas été vieilli en fût mais a acquis sa couleur et ses arômes à l’aide de copeaux de chêne, technique souvent utilisée mais rarement divulguée.

Le white est un rhum blanc très sec et végétal, très serré au nez comme en bouche. Il a un côté métallique et citronné, mais aussi un caractère sucré qui rappellerait plutôt les rhums de mélasse.
Le Brown est beaucoup plus lisse, on ne retrouve pas toute la typicité qui fait du blanc un rhum à part, on se rapproche plutôt d’un rhum latino, caramélisé et torréfié.
Grand moment sur le stand de Worthy Park, distillerie Jamaïcaine qui présente son Rum Bar et trois autres embouteillages en collaboration avec Habitation Velier.

Le Rum Bar n’est pas nouveau mais c’est le moment de revenir dessus : c’est un vrai Overproof à la Jamaïcaine (65%), une bombe d’arômes obtenue à partir de trois rhums de concentrations différentes. Le nez est sec et piquant, il explose en arômes lourds et puissants. La bouche quant à elle est exceptionnellement ronde et soyeuse, le rhum est très long en bouche avec des arômes de fruits très murs.

Habitation Velier Forsyths 151 proof et Forsyths White

Le Forsyths WPE est un des rhums les plus lourds de la distillerie. Sa concentration proche de 600 g/hlap en esters (c’est une très forte concentration en composés aromatiques) a été obtenue grâce à une fermentation exceptionnelle de trois mois ayant été mise au point spécialement pour Habitation Velier. Beaucoup plus doux que le Rum Bar au nez, ses 57% développent pourtant des arômes très riches de fruits et de fermentation. Très velouté en bouche, il est extrêmement savoureux. C’est pour moi un gros coup de cœur !

Le Forsyths WPE 151 est une version à 75,5% du même rhum. La précédente cuvée de ce rhum comptait 100g d’esters de moins mais débordait déjà d’arômes. Cette version est encore plus réussie que la précédente selon moi : le nez est bien entendu plus serré et alcooleux au départ par rapport la version à 57%, mais la bouche est très douce et fondante. Le degré plus élevé ne met pas en avant les mêmes saveurs, ce sont la fermentation et les olives qui ressortent plutôt que les fruits.

Le Forsyths WPM 2006 est un rhum plus léger en esters (200 g/hlap) qui a vieilli sur place pendant 11 ans. Il est plus vif et moins gourmand que son prédécesseur le WP 2005 qui était très charnu et gourmand. Nous avons ici quelque chose de plus acide et plus fort au palais, avec un peu de caramel en fin de bouche. Je pense que ces deux rhums mériteront un face à face au calme, loin de l’agitation du salon.

Restons dans la haute couture avec la nouvelle gamme de Neisson.

Le profil 105, du nom du profil de chauffe appliqué aux fûts neufs qui l’ont accueilli, est un jeune rhum élevé sous bois qui a tout d’un rhum vieux. Le nez est déjà bien mature, chocolaté. La bouche est boisée mais très fondue, avec une pâte de fruits à coque gourmande.

Le nouveau XO pourrait être qualifié de « double XO » car les 6 ans ont été largement dépassés pour les rhums qui composent cet assemblage. Le résultat est rhum extrêmement complet, suave, complexe, rond… on manque de qualificatifs. C’est un travail magistral sur le boisé, les tanins fondus et les notes torréfiées. En bouche c’est un véritable rhum à mâcher. Et voilà un deuxième gros coup de cœur !

Un petit tour chez Savanna pour la gourmandise, le palais est déjà fatigué mais je ne résiste pas à une petite dégustation de rhums grand arôme.

Savanna

Le Lontan chai humide est un rhum exubérant mais très charmeur qui ne laisse pas indifférent, et son cousin le HERR est un OVNI à la concentration aromatique extrême.

J’en ai profité pour goûter la cuvée Millenium 1999, assemblage de grands rhums de mélasse de la maison, très doux et soyeux. Savanna propose comme à son habitude une foule de séries limitées en single cask et/ou en bruts de fûts. J’ai pu goûter cette fois un Single Cask Creol (rhum agricole) fini en fût de Porto et titrant à 46%. C’est un rhum porté sur la canne, bien agricole. Il offre aussi un boisé tannique, sec et astringent, et une finale bien fraîche propre aux rhums de pur jus. Encore une jolie réalisation de la distillerie Réunionnaise.

 

Bologne Grande Réserve

La gamme des rhums Bologne de la Guadeloupe s’enrichit d’une Grande Réserve de 5 ans d’âge vieillie en ex fûts de Cognac. C’est un rhum fin et précis qui propose une alternative au côté pâtissier souvent associé aux rhums de l’archipel. Il n’est pas dépourvu de rondeur pour autant et les arômes fruités et boisés se partagent le profil aromatique. Cette nouvelle gamme de Bologne gagne décidément à être connue.

La Compagnie des Indes a toujours une activité foisonnante et travaille en permanence pour continuer de nous surprendre et de nous proposer des rhums et des expériences de tous horizons. Elle est venue cette année avec quelques classiques revisités et une véritable bombe.

Compagnie Des Indes Long Pond

J’en profite déjà pour faire une séance de rattrapage avec le Long Pond 12 ans que je n’avais pas eu l’occasion de goûter jusqu’ici. Cette distillerie Jamaïcaine est relativement peu représentée par rapport à ses voisines mais présente des rhums forts intéressants et subtils. Nous avons ici un rhum un peu fumé et surtout très équilibré, entre la banane et la pâte d’amande.

Compagnie Des Indes Caraibes

Dans la série des classiques revisités, nous avons un blend Caraïbes affiné pendant un an en fûts de Pernand Vergelesses, un vin blanc de Bourgogne. L’assemblage de rhums du Guyana, de la Barbade et de Trinidad y gagne en rondeur et en fruité.

CDI-Latino

Nous avons également pu déguster un blend Latino affiné 12 mois en fûts de Vosne-Romanée, un vin rouge de Bourgogne. L’assemblage composé en majorité de rhums du Guatemala est plutôt porté sur des notes de caramel noir et de fruits à coque torréfiés, et l’affinage semble apporter un peu de tanins et d’accroche à un rhum assez rond.

La série d’expérimentations autour des arômes fumés, appelée Boulet de Canon, en est à sa quatrième édition. Après un rhum réduit avec de l’eau infusée de thés fumés, voici un assemblage de rhums de Jamaïque d’un minimum de 5 ans qui a été affiné en fûts de whisky Bunnahabhain. L’effet de ce rhum est époustouflant : le nez est très gourmand, avec la banane et le côté brioché du blend Jamaïque que l’on connait, mais la bouche est définitivement tournée vers le whisky. Cette double personnalité est extrêmement tranchée, pour une vraie boisson hybride.
Enfin, un bon gros brut de fût de la distillerie Hampden va nous mettre une claque mémorable. Il s’agit d’un rhum distillé en 1992 qui a vieilli 24 ans et qui n’a rien perdu de sa fougue. Mais ses arômes surpuissants typiquement Jamaïcains ont gagné en complexité et en subtilité. Ces saveurs marquent durablement les papilles (et même le verre) et la dégustation est un véritable feu d’artifice qui diffuse ses effets par vagues successives.
Il faudra que je retrouve la gamme de Rum Bullion, l’embouteilleur Français basé dans les Landes, car je n’ai goûté que deux références en fin de journée.

Rum Bullion

Il y a eu énormément d’ajouts à cette gamme avec des assemblages de différentes origines en plus d’une dizaine de small batches (2-3 fûts) millésimés. En tout cas la dégustation rapide d’un assemblage de rhums de Jamaïque de 3 ans et d’un Guyana 2001 bien typique aux notes de noix torréfiées m’ont fait excellente impression, d’autant que le rapport qualité / prix de ces produits semble très intéressant.

 

Je suis malheureusement passé à côté d’un tas de rhums que j’aurais voulu découvrir (Longueteau Genesis et Parcelle n°4 canne bleue, Criterion de Foursquare…) mais la journée a déjà été très chargée et même si le temps l’avait permis, le corps et les sens ne suivaient plus. J’espère en tout cas pouvoir retrouver prochainement les coups de cœur de ce salon. Bravo aux organisateurs pour cette belle édition et à l’année prochaine !

Nico de l’équipe Rhum Attitude

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