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Comment conserver le rhum ?

Amoureux de spiritueux de longue date ou en devenir, vous aurez remarqué que les bouteilles de rhum et de whisky s’accumulent rapidement au gré des coups de cœur, des découvertes et des différentes opportunités qui s’offrent à nous. On a souvent tendance à collectionner davantage que ce qu’une consommation raisonnée ne permette de boire, ainsi la question de la conservation se pose naturellement. La bonne nouvelle, c’est que le rhum, le whisky, le cognac, et toutes les autres eaux-de-vie que nous affectionnons, sont assez faciles à conserver en définitive. À l’inverse du vin ou du saké qui sont des produits vivants, la plupart des boissons distillées ne vieillissent plus une fois mises en bouteille, notamment grâce à leur taux élevé d’alcool.

Il existe cependant quelques règles simples qui vont vous permettre une conservation optimale de vos précieux liquides.

Avant l’ouverture de la bouteille

Toujours conserver vos bouteilles debout

Les bouchons de liège peuvent rapidement se dégrader en raison du fort degré d’alcool. Il faut éviter un contact prolongé avec le liquide et donc privilégier la position verticale. Le risque est d’avoir un goût de bouchon qui se propage dans la bouteille, une ouverture gâchée par un bouchon qui se délite, ou encore une perte d’étanchéité qui peut causer une évaporation ou une oxydation prématurées.

Il faut en revanche éviter d’avoir un bouchon qui s’assèche et qui risquerait de se briser lors de l’ouverture. Ainsi il est recommandé de l’hydrater de temps en temps (disons tous les 3 à 6 mois) en couchant la bouteilles quelques minutes.

Pas de coup de soleil pour vos spiritueux

Que l’on parle de gin, de rhums arrangés, de liqueurs à base de fruits ou de spiritueux vieillis comme le whisky, la lumière du soleil et plus précisément les UV sont des ennemis à éviter. L’obscurité est à privilégier, et ce même pour les rhums blancs, tant pour l’esthétique que pour la préservation de la boisson. Comme on l’imagine bien, le soleil détériore les couleurs des étiquettes, mais il peut aussi délaver la teinte de votre vieux rhum bien foncé. Cela ne s’arrête pas là, car la lumière a également le pouvoir d’initier certaines réactions chimiques qui peuvent altérer les composés volatils responsables des arômes.

L’idéal est donc de garder les bouteilles dans un endroit fermé (ce qui évite également l’accumulation de poussière), ou tout au moins à l’abri de la lumière directe du soleil. La lumière artificielle peut éventuellement poser problème, mais dans une moindre mesure. N’oubliez pas également que les boites accompagnant la plupart de vos jolies cuvées sont aussi des partenaires précieux !

Enfin, afin de conserver des étiquettes intactes, veillez à ce que l’endroit reste bien sec.

Les bouteilles supportent mal les coups de chaud et froid

Le lieu de conservation doit dans la mesure du possible être relativement frais (comme une cave à vin, entre 10 et 14 °C) ou à température ambiante. En tout cas, l’important est que sa température soit stable. En effet, comme la lumière, les variations de température provoquent des modifications chimiques au sein des spiritueux, qui peuvent affecter leur profil aromatique. L’alcool est sensible à la température et subit des phénomènes de dilatation et de rétractation qui peuvent lui faire perdre son équilibre. En outre, les effets de pression qui peuvent s’exercer à l’intérieur de la bouteille ont un impact sur l’étanchéité de celle-ci.

Après l’ouverture de la bouteille

L’oxydation, un allié qui peut s’avérer gênant

Un spiritueux fermé peut se conserver sans problème pendant plusieurs dizaines d’années. Mais la situation est différente une fois que la bouteille est ouverte !

L’oxygène a lui-aussi un effet sur la chimie du liquide, et pas des moindres. L’oxydation peut pourtant être bénéfique. C’est d’ailleurs l’une des choses que l’on cherche à obtenir, de façon contrôlée, lors du vieillissement.

Lors de l’ouverture d’une bouteille, on dit souvent qu’un spiritueux, à plus forte raison lorsqu’il est brut de fût, ne dévoile pas son potentiel optimal. La plupart du temps, un « épaulage » de la bouteille (qui consiste à la soulager de 5 bons centilitres) lui fait alors le plus grand bien. Au-delà du fait que les alcools les plus volatils soient libérés, une légère oxydation se produit et le spiritueux semble plus mature. C’est également ce qui se passe lorsque l’on lui laisse un petit temps d’aération dans le verre.

Pour limiter l’oxydation des spiritueux

Plus il y a de place dans la bouteille, plus il y a d’oxygène, donc plus son effet est significatif. Deux solutions s’offrent alors à nous, si l’on décide de garder la bouteille un bon moment :

  • Laisser le spiritueux évoluer au gré de l’oxydation, et observer ses effets à mesure que la bouteille se vide.
  • Figer le spiritueux en faisant tout pour éviter que l’oxydation ne fasse son œuvre. Pour ce faire, on peut régulièrement transvaser dans des contenants plus petits afin de conserver un bon niveau de liquide. On peut aussi avoir recours à des billes de verre que l’on verse dans la bouteille afin de remplacer le vide. Attention cependant à cette méthode qui peut s’avérer très lourde pour vos étagères !

En réalité il existe une troisième solution, à laquelle j’ai recours personnellement, qui consiste à pratiquer les deux méthodes à la fois 😊

On pourrait vulgairement comparer la vie d’une bouteille à la dégustation d’un cigare. Le premier tiers est plein de vigueur, le deuxième est plus mature, et des défauts peuvent apparaitre au troisième. C’est en tout cas le cas pour une bouteille que l’on boirait sur plusieurs mois. Cela ne s’applique bien évidemment pas sans les effets à moyen ou long terme de l’oxydation.

Comment optimiser la vie d’une bouteille

De mon expérience, beaucoup de rhums, qu’ils soient de pur jus de canne ou de mélasse, ont obéi à cette règle. Un peu « raides » lors des premières dégustations, ils se sont révélés excellents lorsque la bouteille était à moitié vide. Et puis malheureusement il m’est arrivé d’oublier un peu trop longtemps quelques bouteilles arrivées dans leur dernier tiers. Dans ce cas, le nez n’était pas tellement modifié, mais les goûts originels et l’intensité avaient complètement disparu. Le spiritueux produisait un effet complètement plat et insipide.

Lorsque l’on a attaqué le dernier tiers, les effets délétères peuvent arriver très vite. Le ratio oxygène / liquide est très nettement défavorable. J’ai également l’impression que le danger est d’autant plus grand quand le rhum est non filtré. Les éventuels dépôts (poussière de fût etc) semblent « infuser » très rapidement et aggraver la dégradation de la qualité gustative.

Pour résumer :

  • On peut décider d’observer l’évolution au risque de laisser le spiritueux se dégrader. On n’est par contre pas à l’abri d’une bonne surprise ou même d’un moment quintessenciel.
  • Entre le premier tiers et la moitié de la bouteille, tout va bien.
  • À la moitié de la bouteille, on peut penser à réembouteiller dans un contenant plus petit.
  • Le dernier tiers implique une certaine urgence : il s’agit de terminer la bouteille rapidement, de réembouteiller, de partager cette fin de bouteille en petites fioles à partager avec des amis.

L’« infinity bottle » est aussi un moyen d’offrir une belle fin à votre bouteille. Il s’agit de mélanger tous vos fonds de spiritueux pour faire un blend d’exception, ou un bon rhum pour la cuisine. Un peu comme dans une solera, vous reconstituez le niveau de la bouteille après chaque utilisation ou lorsqu’un nouveau fond de bouteille est disponible.

Les accessoires aidant à la conservation

Certains amateurs ont recours au Parafilm, qui comme son nom l’indique est un film de paraffine qui permet de sceller les bouteilles. Cet accessoire est davantage un retardateur qu’une véritable façon de sceller. En effet, s’il est hermétique au liquide, il laisse tout de même passer l’air. Sur le long terme et avec la chaleur, on risque l’évaporation. Son intérêt réside surtout dans le fait d’éviter les fuites durant le transport. Pour la conservation, le bon vieux cellophane (de qualité et bien serré) est hermétique à l’air. Il est donc finalement plus efficace. La cire est quant-à-elle moins facile à utiliser, mais s’avère être très efficace sur le long terme.

Au passage, attention aux jolies carafes, qui sont très élégantes mais qui sont rarement hermétiques.

Et les accessoires prévus pour le vin ?

On pourrait penser à conserver notre spiritueux en utilisant une pompe à vide d’air, mais elles ne sont pas vraiment utiles car elles ne sont pas prévues pour le long terme. Elles n’aspirent pas réellement tout l’oxygène (qui va se dilater jusqu’à reprendre sa place). Ainsi, chaque coup de pompe va forcément ôter quelques alcools et arômes potentiellement intéressants.

Les systèmes au gaz inerte de type Coravin sont intéressants. Ils injectent un gaz inerte qui emplit le vide de la bouteille, grâce à une fine aiguille qui passe au travers du bouchon et se retire sans altérer son étanchéité. Cependant, cet outil est prévu pour le vin, dont les bouchons sont entièrement en liège. Les bouchons de spiritueux sont quant-à-eux munis d’une tête en plastique ou en métal, que l’aiguille ne parviendra pas à percer. Il s’agit donc de remplacer le bouchon d’origine par un bouchon entièrement en liège, sans tête, comme pour une bouteille de vin.

Enfin, des professionnels offrent leurs services pour la conservation de vos vins et spiritueux. Leurs locaux jouissent de conditions de sécurité, de température et d’hygrométrie idéales. Cela épargne bien des tracas aux grands collectionneurs.

Comment ouvrir une très vieille bouteille

Tout ces efforts de conservation seraient inutiles si l’on ne prenait pas quelques précautions au moment d’ouvrir un très vieux flacon. Il est conseillé de bien réhydrater le bouchon au préalable, afin d’éviter la casse. Pour cela, il suffit de coucher la bouteille ou de la maintenir la tête en bas pendant une petite heure.

Ensuite, nous vous conseillons de tirer délicatement le bouchon en le tournant légèrement. Si rien ne vient, et que la tête tourne sans le bouchon, essayez de l’hydrater encore un peu. Si vous avez peur que le bouchon ne vienne pas ou se brise, coupez la tête et utilisez un tire-bouchon bilame. C’est l’outil typiquement utilisé dans ce cas de figure.

 

Voici donc quelques règles à observer pour les plus méticuleux et prudents d’entre nous, mais sachez que les risques que votre spiritueux s’altère en l’espace de quelques mois restent faibles, donc ne stressez pas trop non plus ni vous ne remplissez pas toutes ces conditions 😉

 

2 thoughts on “Comment conserver le rhum ?

  1. excellent article et conseil.
    rassurant pour moi, je pensais même que les effets d oxidation apparaissaient avant la moitié.
    je vais aussi essayer le melange de mes qq fonds.
    merci

    1. Merci Olivier ! En effet, l’oxydation commence dès l’ouverture de la bouteille, mais les risques d’effets délétères n’apparaissent en général que dans la zone critique du dernier tiers 😉

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