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Comment organiser une dégustation de rhum réussie ?

Le matériel indispensable pour une dégustation de rhum

Choisir les bons verres à rhum

Le verre de dégustation est un élément essentiel, qui est presque aussi important que le liquide qu’il contient. Pour vous en convaincre, vous pouvez tenter l’expérience de verser le même rhum dans un gobelet à eau, dans un verre à vin, dans un shot et dans un petit verre tulipe. Vous remarquerez que les arômes perçus, la puissance de l’alcool, et même la sensation en bouche seront différents.

Le type de verre idéal est le verre tulipe. Sa forme large à la base et resserrée au sommet permet de conserver les arômes à l’intérieur, puis de les libérer doucement par le haut tout en les concentrant. Dans un grand verre droit et large, les arômes et l’alcool s’échappent massivement, et toute la complexité ainsi que les différentes nuances du spiritueux s’évanouissent avec. Le nez peut également être piqué par l’alcool, ce qui bloque encore davantage la perception des arômes.

En outre, les verres plus qualitatifs tels que les tulipes Riedel offrent un buvant (le bord du verre où vous posez les lèvres) plus fin, qui permettent de saisir toute la subtilité de la texture de votre rhum, qu’elle soit plutôt huileuse, suave, fine ou fluide.

Préparer un set de dégustation (carafe, pipette, eau plate, etc.)

À la différence du vin, le rhum n’a pas besoin d’être carafé. En revanche, il peut avoir besoin d’aération lorsque la bouteille est neuve, fraîchement ouverte. N’hésitez pas à ouvrir votre bouteille à l’avance, et à la laisser ainsi, sans bouchon, au moins une heure avant la dégustation. Cela permet aux alcools les plus agressifs de se diffuser, et également à un vieux rhum de se détendre, de « sortir de sa coquille ».

L’eau est également l’amie du dégustateur, et cela à plusieurs titres : il est important de prévoir de l’eau afin de bien s’hydrater, ce qui est essentiel lorsque l’on consomme de l’alcool. Un bon verre d’eau permet de se désaltérer entre deux rhums, de diluer l’alcool pour éviter le mal de tête consécutif à une dégustation un peu trop prolongée, mais aussi de remettre le palais à zéro entre deux rhums afin de bien en saisir les contrastes et les nuances.

À cet effet, vous pouvez également prévoir des biscottes ou des crackers, plutôt neutres, qui permettent de réinitialiser les papilles gustatives. Un grand maître de chai martiniquais conseille également de rincer le palais avec une gorgée de bière légère entre chaque rhum. C’est une technique en effet très efficace, mais à user avec modération ! Pour le nez, qui fatigue au même titre que le palais, le fait de respirer une petite poignée de grains de café entre deux dégustations a un effet épatant.

Pour en revenir à l’eau, elle peut enfin s’avérer utile pour diluer légèrement un rhum un peu puissant. Vous pouvez donc prévoir une petite pipette ou une mini-seringue, remplie d’eau la plus neutre possible, pour glisser quelques gouttes dans le rhum et observer la façon dont il réagit. Cette eau modifie l’équilibre du liquide, réarrange les molécules et provoque de nouvelles réactions. Deux ou trois gouttes peuvent permettre d’atténuer une sensation alcooleuse, de donner un toucher plus huileux, d’ouvrir un rhum un peu timide ou de faire ressortir une autre gamme d’arômes. Un exercice extrêmement intéressant !

Accessoires complémentaires (notes de dégustation, crachoirs, etc.)

La prise de notes de dégustation est un excellent moyen de s’exercer, de progresser, et bien entendu de garder une trace de vos expériences. Le fait de poser vos impressions à l’écrit permet de préciser vos ressentis, et vous serez étonnés de voir à quel point vos compétences de dégustateur évoluent rapidement ! Nous avons conçu un carnet de dégustation spécialement à cet effet, où vous pourrez noter toutes les caractéristiques du rhum, décomposer sa dégustation et même lui donner une note si vous le souhaitez. Les premières pages regorgent aussi d’astuces et de conseils pour vous lancer, afin de prendre du plaisir à décortiquer votre spiritueux sans prise de tête.


Pour ceux d’entre vous qui sont familiers avec les salons de dégustation comme le Rhum Fest ou le Whisky Live, vous savez qu’il est également permis d’apprécier vos spiritueux sans forcément les avaler, surtout lorsqu’il y en a plus d’une dizaine au programme. Avec le nez et seulement quelques gouttes en bouche, l’on peut déjà avoir une impression très précise d’un rhum ou d’un whisky. Le crachoir peut alors se révéler utile, car l’on peut tapisser son palais puis recracher pour profiter des saveurs tout en gardant une attitude responsable, et être ainsi capable de déguster de nombreux rhums.

Sélectionner les rhums pour la dégustation

Choisir une thématique (origine, type de rhum, vieillissement, etc.)

La définition de la thématique et du programme de la dégustation est certainement l’une des étapes les plus intéressantes ! La première question qu’il s’agit de se poser est : quel est le public ? Est-ce que l’on sera en compagnie d’amateurs avertis, de personnes qui découvrent le rhum, de dégustateurs qui s’attendent surtout à un aspect festif, ou à des geeks ultra pointus ?

Pour une dégustation découverte, il est souvent intéressant de présenter le large éventail qu’offre le monde du rhum, avec des rhums d’Amérique Latine, des Caraïbes, de l’Océan Indien, d’Asie du Sud-Est, etc. Bref, il s’agit de faire le tour du monde des rhums en balayant les origines et les styles, de la mélasse au pur jus de canne.

Pour des amateurs plus confirmés, les dégustations horizontales et verticales sont toujours appréciées. La dégustation horizontale est un comparatif entre plusieurs rhums du même style, du même âge, et/ou de la même origine. Par exemple, une dégustation de rhums élevés-sous-bois de Martinique est un excellent moyen de découvrir les typicités de l’AOC.

La dégustation verticale consiste à découvrir une distillerie en détails, en commençant par son rhum blanc, puis en évoluant en âge jusqu’au plus vieux de la gamme. On se glisse alors un peu dans la peau du maître de chai, en comprenant ce qu’il se passe à chaque étape du vieillissement.

L’idée de la dégustation peut également être de découvrir un pays, une matière première, une tradition, et même pour les plus aguerris, un type de distillation, de fût, de variété de canne à sucre, etc ; la liste des thématiques n’a de limite que votre imagination !

Combien de rhums proposer dans une dégustation ?

En général, 5 ou 6 rhums suffisent à faire une bonne dégustation. Le rhum est un spiritueux qui titre bien souvent au-delà des 40%, et même au-dessus des 50%, donc 2cl multipliés par 5 ou 6 peuvent être qualifiés de raisonnables.

Vous pouvez également être très attentifs et choisir de ne servir qu’un centilitre. C’est en réalité bien suffisant dans le cadre d’une dégustation, et cela permet de découvrir un plus large panel.

Exemples de sélections selon les profils de dégustateurs

Voici quelques idées de « lineup », en fonction des profils de dégustateurs présents :

Dégustation découverte, pour des dégustateurs novices :

Santa Teresa 1796

Depaz Cuvée Victor

Doorly’s XO

Samai Gold Rum

Pusser’s Blue Label

Vous trouverez d’autres idées de sélections dans nos articles “Quel est le meilleur rhum ?” et “Quels sont les meilleurs rhums pour débuter ?”.

Dégustation horizontale Overproof de Jamaïque, pour amateurs en quête de nouveaux horizons :

Wray & Nephew

Monymusk

Worthy Park White Overproof from Cane Juice

Warehouse #1 TECA Rolling Calf Blanc

Hampden Rum Fire

Dégustation verticale pour les amoureux de HSE :

Cuvée de l’an 2018

Elevé-sous-bois

VO

VSOP

XO

Dégustation pour les geeks : Le finish en fût de PX :

Two Woods 5+5

Bristol Cuban Rum 2003 Sherry Finish

Compagnie des Indes Single Cask Ex Pedro Ximenez République Dominicaine

Rum Nation 12 ans Trinidad Sherry Finish Cask Strength

Hampden Pagos 2024 Batch #3

Le déroulement d’une dégustation de rhum

L’ordre de dégustation à respecter

Le choix de l’ordre de dégustation se fait en plusieurs dimensions, que sont l’âge, le degré d’alcool, et la troisième dimension qui est peut-être la plus importante : la concentration aromatique. L’influence de l’un ou l’autre de ces critères peut avoir une importance telle, qu’elle peut modifier l’ordre que l’on établirait de façon intuitive. Par exemple, l’on se dit forcément que l’on va déguster un rhum jeune avant un rhum très vieux. C’est souvent vrai, mais imaginez maintenant avoir face à vous un respectable JM Millésime 2006 âgé de 15 ans et un tout jeune HGML Virgin Oak avec 4 ans au compteur.  La folie aromatique du jeune Hampden, ainsi que son degré élevé, le feront sans doute passer après le très vieux rhum martiniquais.

L’enchaînement des rhums dans une dégustation peut parfois être un casse-tête (mais un casse-tête plutôt sympa à résoudre !), mais quoi qu’il arrive, et surtout si des surprises peuvent arriver, on en apprend toujours quelque chose.

L’importance de l’observation visuelle

Le visuel a son importance, et il est agréable de s’arrêter quelques instants sur la robe de votre rhum. C’est une première approche, une façon de se familiariser avec lui, qui peut déjà vous révéler quelques éléments. En le passant doucement sur les bords du verre (doucement, sans le secouer, plutôt en tournant le verre tenu à l’horizontale), le rhum laisse un collier de petites perles. Plus le degré d’alcool est élevé, plus ces perles sont fines.

Le rhum retombe ensuite au fond du verre en formant des larmes, qui vous donnent une idée de la texture du rhum, plus ou moins visqueux, concentré, ou alors fluide et léger.

La couleur n’a finalement que peu d’importance, si ce n’est pour le plaisir d’admirer ses reflets, car elle ne dit pas toujours l’âge du rhum. En effet ; l’âge du fût utilisé pour le vieillissement est pour beaucoup dans la teinte finale du rhum, et ce dernier peut en outre être coloré à l’aide de caramel.

Techniques pour sentir et analyser les arômes

Pour commencer, il faut savoir que chacun a son propre référentiel d’arômes. Ne vous en faites pas si vous ne retrouvez pas exactement les arômes décrits dans une note de dégustation, c’est bien normal puisque chaque dégustateur relie des arômes à ses expériences, son histoire, ses souvenirs. Il peut sembler également difficile de décrire ce que l’on sent, d’y mettre des mots, mais justement, la dégustation de plusieurs rhums « en même temps » va vous montrer que tout le monde peut le faire.

Lorsque l’on est face à un rhum seul, des arômes et des sensations nous viennent, mais on peut rencontrer des difficultés à aller chercher les bons mots. En revanche, si l’on verse deux rhums dans deux verres, en passant de l’un à l’autre, on commence à les comparer en mettant plus facilement des mots : « celui-ci est plus épicé que celui-là », « celui-ci est plus iodé, il me fait penser à l’air marin », « celui-ci sent plus le bois que celui-là » etc.

Ensuite, pour vous faciliter la tâche et bien décomposer votre rhum, il existe quelques techniques. Commencez par coucher votre verre à l’horizontale. Les arômes les plus légers (fleurs, épices et fruits frais) s’échappent par le haut de l’ouverture, et les plus lourds (fruits très mûrs, cuir, caramel) par le bas. Plus le rhum est aromatique, plus vous arriverez à trouver des « couches » d’arômes à différents endroits. Le rhum se découpe en quelque sorte en strates d’arômes, selon le poids de leurs molécules.

N’agitez pas votre verre comme pour un vin, sous peine de prendre une grande bouffée d’alcool. Passez-le doucement sur les bords du verre, le liquide qui va y sécher va exprimer une autre gamme d’arômes, souvent très gourmands. Enfin, n’hésitez pas à prendre le temps. Le rhum, et à plus forte raison le vieux, évolue tranquillement dans le verre, et toute sa complexité peut parfois se déployer pendant des heures.

L’art de la dégustation en bouche

En bouche, comme au nez, la patience et la contemplation sont de mise. Une dégustation c’est aussi ça, appuyer sur « pause » et s’extraire de son monde habituel. Pour mettre votre palais tranquillement en condition, prenez simplement quelques gouttes dont vous tapissez votre bouche. Cela permet déjà d’avoir un bel aperçu du rhum, de son aromatique et de sa puissance. Ensuite, vous pouvez prendre une plus grande lampée pour apprécier l’ensemble. Vous verrez qu’avec cette petite précaution de départ, vous pourrez découvrir des rhums puissants, en brut de fût par exemple, sans aucune brûlure de l’alcool.

Comme au nez, on n’aère pas un spiritueux en bouche comme un vin, au risque de se brûler les papilles. Ce serait dommage !

Accompagnements et accords mets-rhum

Quels aliments subliment le rhum ?

S’il existe un roi de l’accord mets-rhum, c’est bien le chocolat. La rencontre fonctionne à tous les coups, avec le rhum qui fait fondre le chocolat en magnifiant ses arômes et le chocolat qui enrichit le rhum de ses saveurs corsées. Mais il existe bien sûr d’autres accords intéressants, comme les fruits exotiques rôtis ou grillés, les produits de la mer (qui s’accordent très bien avec le rhum blanc agricole, et d’autant plus avec le Trois Rivières Cuvée de l’Océan), les antipasti, les plats asiatiques en sauce, ou même le foie gras (impressionnant avec un rhum un peu sucré) ou les fromages (qui aiment être accompagnés de rhums puissants comme ceux de Jamaïque).

Exemples d’accords avec du chocolat, des fruits et des épices

Voici quelques exemples d’accords mets-rhum, à mettre en œuvre facilement chez vous :

Pourquoi ne pas tenter un accord local, avec un chocolat grand cru et un rhum de la même région ? On peut penser à un moelleux au chocolat noir du Pérou accompagné d’un Rum Nation 8 ans Peruano, à une mousse au chocolat noir de Trinidad avec notre sélection Rhum Attitude Trinidad TDL 2005 18 ans, ou même un sorbet au cacao d’Haïti accompagné d’un Vieux Sajous 5 ans 2019.

On peut aussi se régaler en associant des fruits au rhum. Soit on peut aller chercher les similitudes, en alliant un Worthy Park Single Estate Reserve et un banana bread, ou une salade de fruits exotiques avec un New Grove 10 Ans Old Tradition, soit on peut faire exploser les arômes des fruits avec une salade accompagnée d’un rhum blanc comme le River Antoine ou d’un assemblage de rhums vieux comme le Planteray Xaymaca.

Les épices accompagnent finement le rhum, et peuvent être présentes de l’entrée au dessert : pourquoi ne pas commencer avec un saumon fumé mariné aux herbes et aux épices, accompagné d’un bon Foursquare ?

Pour le plat, un peu de douceur et d’exotisme, avec un bœuf à l’asiatique, sauce soja, gingembre et citronnelle, accompagné d’un La Hechicera. Et enfin en dessert, un riz au lait gourmand, à la vanille et à la cardamone et au caramel au beurre salé, mis en valeur par un excellent ReimonenQ Vieux 7 ans Cœur de Chauffe.

Faut-il prévoir des amuse-bouche entre chaque dégustation ?

Les amuse-bouche, sur le même principe que les plats, sont forcément une bonne idée, mais ils doivent faire l’objet du même soin. Les bouchées et les petites portions sont également parfaites pour accompagner une dégustation. Nous avons déjà évoqué le foie gras, qui fonctionne très bien avec les rhums doux. Le jambon sec fonctionne extrêmement bien avec un whisky tourbé, mais aussi avec un rhum de type Pusser’s Gunpowder. Les sushis s’accompagnent bien de rhum agricole blanc, le O Reizinho blanc avec une fondue de poireaux, l’Appleton 12 ans avec un canard à l’orange. Bref, amusez-vous !

Conseils pour une expérience de dégustation optimale

Adapter l’ambiance et la température de la pièce

Une dégustation est un moment privilégié où l’on prend le temps, de se plonger dans le rhum, d’analyser, de partager. Installez vous donc confortablement, avec plusieurs verres par dégustateur, afin de pouvoir comparer des rhums les uns directement en face des autres. Idéalement, la pièce est tempérée, ni trop fraîche ni trop chaude, et l’on essaie d’éviter les odeurs venant de la cuisine qui pourraient prendre le dessus sur les arômes.

Respecter le bon dosage et la modération

Il existe une règle d’or pour que la dégustation se passe dans les meilleures conditions : boire plus d’eau que de rhum ! Un verre d’eau entre chaque rhum est idéal, non seulement pour faire une petite pause, préparer le palais pour le rhum suivant, et surtout diluer l’alcool pour éviter le mal de tête du lendemain.

Question dosage, nous en avons parlé un peu plus haut, 2cl conviennent largement à une dégustation de 5 ou 6 rhums. Pour vous donner une idée, 3cl d’alcool à 40% = 25cl de bière à 5% = 12,5cl de vin à 12%. Sauf que le rhum dépasse bien souvent les 40%, donc une dégustation de 6 rhums équivaut environ à 3 pintes de bière ou 1 bouteille de vin. Même sur une longue soirée, avec un repas, cela reste une quantité non négligeable d’alcool pour une personne, bien au-delà de la quantité admise pour prendre le volant, et donc à ne vraiment pas répéter trop souvent.

Déguster, c’est justement apprendre à boire pour le plaisir de la découverte, et non pour l’abus. C’est la qualité plutôt que la quantité.

Animer la dégustation avec des anecdotes et explications

Si vous souhaitez devenir animateur de votre propre dégustation, bravo ! Vous êtes un vrai passionné, comme nous. Nous vous encourageons à parcourir le site et à prendre quelques notes sur les pages dédiées aux pays producteurs, aux distilleries, aux marques. Vous pouvez également vous promener sur notre blog, à la découverte de l’histoire de la canne à sucre par exemple, ou vous cultiver en passant par les différents livres présents sur le site.

N’hésitez pas à préparer un petit diaporama, et quelques dégustations supplémentaires comme de la canne fraîche, du jus de canne (trouvables en épicerie exotique) ou de la mélasse (trouvable en magasin Bio).

 

Vous avez désormais toutes les clés pour une dégustation réussie, il n’y a plus qu’à se lancer ! Vous nous raconterez ?

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