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Fûts, tonneaux, barriques… découvrons la tonnellerie

À l’origine, c’est dans les forêts royales que l’on trouvait les plus beaux chênes. Ceux-ci étaient cultivés et sélectionnés car on avait besoin de longues pièces bien droites pour fabriquer les mâts des bateaux. Avec le temps, la demande a diminué du côté des armateurs, mais le savoir-faire forestier français a perduré. Ce sont aujourd’hui d’autres activités, dont la tonnellerie, qui bénéficient de cette excellence et qui fabriquent des fûts de grande qualité.

Pour qu’un chêne pousse bien haut et droit, il faut lui donner de la concurrence. On entoure alors le jeune arbre de petits buissons, afin de lui donner l’occasion de monter en flèche, sans faire de branches. C’est un point très important, car les branches produisent des nœuds. Ceux-ci sont indésirables du point de vue du travail du bois et de son étanchéité.

Lorsque le chêne a pris le dessus sur la concurrence et qu’il atteint une quinzaine de mètres, on éclaircit autour de lui. On renouvelle l’opération tous les 10 ans, ainsi seuls les plus beaux arbres restent en place. En général, ils passent les 100 premières de leur vie à prendre de la hauteur. Ils s’emploient dans un deuxième temps à développer leur circonférence.

200 ans de travail pour un tonneau

Un chêne français a besoin de 200 ans de croissance en moyenne pour pouvoir atteindre la taille et les qualités requises. Le chêne américain est abattu plus rapidement, puisque 120 à 150 années suffisent.

Lorsqu’une parcelle est prête à être récoltée, l’Office National des Forêts la met aux enchères, et une merranderie se porte acquéreuse.

Les arbres sont alors coupés en tronçons, appelés grumes ou billes. Ils sont ensuite débités en quartiers, et finalement en merrains (trivialement : en planches ou en lattes). Au final, pour confectionner ces merrains, on ne conserve que 5 à 30 % de l’arbre, selon les espèces. Le reste servira à d’autres industries. On taille ainsi en moyenne 8 à 10 barriques complète dans un tronc.

À ce stade, le bois comporte environ 70 % d’humidité. C’est à la merranderie, dans un parc à bois, que l’on lui donne un temps de séchage et de maturation de 2 ou 3 ans. Le chêne est alors soumis aux éléments. La pluie, le vent, l’humidité et la sécheresse, lui permettent au final de se débarrasser de l’amertume des tanins et de ses composés indésirables. Son effet astringent est alors réduit, et une phase de développement des éléments aromatiques s’engage, grâce à la dégradation de certaines substances chimiques.

Après cette période de séchage et de stabilisation, on obtient un taux idéal de 15 % d’humidité, ce qui permet de le travailler sans casse. Un bon séchage est également essentiel pour les qualités futures du tonneau. Il favorise plus tard les échanges d’oxygène dans la barrique, grâce en partie à des colonies de champignons (mycéliums) qui lui permettent de « respirer ».

Les principales variétés de chêne

Avant de parler de la confection d’un tonneau, voici les trois grandes essences de chêne utilisées dans les spiritueux.

Le chêne américain

Dans l’univers du rhum, l’ancien fût de bourbon est roi. La raison à cela est simple : le cahier des charges du bourbon, ou du whiskey américain, impose l’utilisation de fûts neufs uniquement. Après avoir utilisé leurs fûts, les distilleries américaines sont donc à l’origine d’un marché énorme du fût d’occasion.

Le chêne américain (quercus alba), offre un grain fin malgré sa croissance rapide. Peu tannique, il est aromatique et solide. Il peut ainsi être scié, et pas forcément fendu, comme c’est le cas pour les chênes français. Cela représente un aspect pratique pour les merranderies, mais pas seulement. Le fait de le scier permet notamment de libérer les précurseurs des « whisky lactones », qui donnent des notes très typiques de noix de coco lors du vieillissement d’un spiritueux.

On le trouve principalement dans les forêts du Kentucky et du Missouri, mais aussi dans l’Iowa et l’Ohio.

Le chêne français

En France, pour la production du cognac, on retrouve surtout des fûts provenant des forêts du Tronçais (Allier) et du Limousin.

Le chêne pédonculé (quercus robur) est connu pour son gros grain et ses tanins puissants. Il est à manier avec précaution, car il apporte rapidement des notes sèches, épicées et boisées, voire astringentes. On le préfère roux, c’est-à-dire lorsqu’il a déjà reçu plusieurs rotations d’eau-de-vie.

Le chêne sessile (quercus petraea) est quant-à lui plus aromatique, et sa croissance lente lui procure un grain fin. Il est ainsi moins tannique et permet une bonne micro-oxygénation du distillat. Il favorise donc l’estérification (le développement de la complexité des arômes). D’un autre côté, il occasionne davantage d’évaporation (part des anges).

Contrairement à ce que l’on pourrait croire instinctivement, le bois à grain fin est plus poreux que le bois à grain plus grossier. Ce paramètre est très important en ce qui concerne tous les phénomènes oxydatifs, qui définissent le profil aromatique d’un spiritueux.

Parmi ces spécimens de chênes français, on trouve parfois un « chêne rose ». C’est un peu le Graal du tonnelier, puisqu’il est gorgé de norizoprénoïde, un puissant exhausteur d’arômes.

Le chêne français, neuf ou plus souvent ayant contenu du cognac ou du vin, est de plus en plus utilisé également dans le rhum. Ils est généralement plus onéreux, mais on lui reconnaît de grandes qualités pour l’élevage. Ce bois est plus riche et intense que le chêne américain. Le vieillissement y est donc plus rapide.

Le fût de bourbon convient ainsi mieux aux distillats plus légers, sur lesquels il prend moins le pas. À l’inverse, le chêne français est plus à même de se mettre au niveau d’un distillat plus chargé, plus corsé.

La science du vieillissement

Les recherches dans le domaine du bois et du vieillissement ont énormément progressé ces 20 dernières années. On s’est intéressé à la chimie du chêne, à ses réactions avec les distillats, aux spécificités de chaque essence et du traitement que l’on peut leur apporter. On s’aperçoit ainsi peu à peu, dans le domaine des fûts d’occasion par exemple, que le bois compte bien plus que l’alcool qu’il a pu contenir auparavant.

Vous pouvez relire notre article sur l’art du vieillissement des rhums, pour savoir tout ce qu’il se passe à l’intérieur d’un fût.

On sait aussi qu’un même arbre peut présenter des parties beaucoup plus chargées en tanins que d’autres. Les distilleries de bourbon mettent ces subtilités en avant. Elles opérent parfois des vieillissements avec des fûts de chêne provenant d’une seule forêt, d’une seule parcelle, et même d’un seul arbre. On peut ainsi comparer des bourbons élevés dans des fût prélevés dans différentes parties d’un même arbre.

Des distilleries à la pointe

En Martinique, Neisson et JM ont récemment fait de belles expériences autour de leurs vieillissements. La petite distillerie du Carbet a démarré une série de rhums élevés sous bois, avec des fûts neufs spécialement élaborés pour elle. On a ainsi pu déguster le profil 105 et le profil 107, avec deux types de chauffe du bois délivrant des arômes précis et décidés en amont par le maître de chai. L’objectif pour Neisson est de maîtriser ses vieillissements à la perfection, avec des fûts sur mesure ayant uniquement contenu son propre rhum.

À Macouba, chez JM, on a aussi travaillé les essences de bois, les chauffes et les assemblages, pour obtenir des rhums aux caractéristiques exacerbées. Ainsi sont nés les rhums Jardin Fruité, Épices Créoles et Fumée Volcanique.

En Haïti, la petite distillerie de Port-au-Prince distille le rhum Providence. Elle suit le même chemin que Neisson, avec des fûts qui seront uniquement « ex-Providence ». La Maison Isautier, à La Réunion, poursuit un projet similaire depuis quelques années. Elle compte produire de vrais grands rhums vieux taillés sur mesure par des fûts « maison ».

D’une manière générale, l’élargissement des connaissances mène à un emploi de plus en plus fréquent, et surtout plus prolongé, de fûts neufs.

La fabrication du tonneau

Revenons à la fabrication de nos tonneaux, toujours en merranderie. Lorsque l’on a taillé les merrains dans les quartiers de chêne, on procède à l’écourtage. Cela consiste à calibrer le bois en fonction de la taille du futur tonneau. Le fût de bourbon de 220 litres a naturellement des douelles (les lattes du fût) plus courtes qu’un sherry butt de 500 litres.

Ensuite vient le dolage, qui donne la forme du tonneau au merrain. Celui-ci devient alors une « douelle ». Cette douelle est creusée pour former un arrondi, lors de l’opération d’évidage.

Avec le jointage, on rétrécit la largeur des extrémités, en fonction de la forme du tonneau. Plus le tonneau est grand et bombé, plus le jointage est conséquent.

Le montage à proprement parler commence avec la mise en rose. Les douelles sont alors mises côte à côte dans un cercle métallique. Il faut compter 20 à 30 douelles en moyenne pour construire un fût. Lorsque les douelles sont assemblées sur le premier cercle, on pose ensuite 1 ou 2 autres cercles de travail, pour maintenir le haut du tonneau.

On peut alors démarrer l’opération de cintrage. Elle consiste à plier les douelles du bas du tonneau pour les rassembler et les serrer à l’aide d’un câble. On a alors recours à une première chauffe, éventuellement après un léger arrosage, afin d’assouplir le bois pour ne pas qu’il cède durant l’opération. Lorsque les douelles sont resserrées de la même manière que sur le haut du fût, on pose aussi des cercles pour maintenir l’ensemble.

 

La chauffe, élément déterminant du vieillissement

Il est alors temps de passer à la deuxième chauffe, qui est une chauffe aromatique (bousinage). On place le fût (qui n’a pas encore de fond) sur un brasero, pour que la flamme brûle l’intérieur. Le bois est alors toasté, grillé sur environ 2 ou 3 millimètres de profondeur. Il déploie ainsi des éléments aromatiques, grâce à la caramélisation des sucres qu’il contient, entre autres phénomènes.

Cette couche carbonisée fait également office de filtre. Elle absorbe les alcools les plus agressifs ou les composés soufrés issus de la fermentation.

Les profils de chauffe sont uniques à chaque tonnellerie. Mais voici ce que l’on peut généralement observer dans le domaine du bourbon. On peut effectuer 4 types de chauffes, déterminés par le temps de contact de la flamme. Le type 1 correspond à 20 secondes, le type 2 à 25-30 secondes, le type 3 à 35-40 secondes, et le type 4 (chauffe alligator), de 40 secondes à une minute.

Dans les tonnelleries françaises, la flamme n’entre jamais en contact direct. Ainsi l’étape de bousinage est comprise entre 45minutes et 65-70minutes, avec des feux plus ou moins intenses.

Chauffe légère : 45min

Chauffe moyenne : 55 min

Chauffe moyenne longue : 70 min

Chauffe moyenne+ : 60 min

Chauffe forte : 65 min

Plus la chauffe est longue, plus la couche carbonisée est épaisse, et plus la surface du fût est craquelée. Cela favorise les échanges entre le bois et le distillat. Ce dernier va puiser plus profond dans les fibres du chêne lorsque celui-ci se dilate avec la chaleur ambiante.

La modernité est partout

Les recherches s’appliquent également à ce domaine, qui a récemment vu arriver des pratiques plus modernes. On peut parfois se passer de la flamme, en effectuant une cuisson précise et progressive dans un caisson. De même, avant le montage d’un fût, on peut utiliser des appareils hi-tech pour analyser le bois. On sélectionne alors les douelles en fonction du profil aromatique que l’on recherche.

Après la chauffe vient le moment de la pose des fonds. On retire des cercles de travail pour écarter à nouveau les douelles, afin d’introduire le fond du fût dans une rainure conçue à cet effet. On applique ensuite une pâte faite de farine et d’eau pour l’étanchéité, et on réalise pour finir le cerclage définitif. Un petit coup de ponçage, et notre barrique est enfin prête !

Les petits fûts de la tonnellerie Allary

Chez Rhum Attitude, nous avons choisi de vous proposer des petits fûts pour tenter l’expérience du vieillissement à la maison. Pour cela, nous travaillons avec l’excellente tonnellerie cognaçaise Allary.

Fondée en 1953 par Roger Allary, puis reprise par son fils Jacky en 1992, elle a su rester familiale et artisanale. Elle perpétue ainsi un savoir-faire français unique. Elle fournit de grandes maisons de cognac, mais aussi de nombreuses autres distilleries à travers le monde. Jacky Allary se déplace lui-même dans les merranderies. Il sélectionne les meilleurs bois afin de maintenir la qualité exceptionnelle de sa production.

Nous vous proposons des fûts de chêne français allant de 1 à 20 litres, avec des accessoires comme un robinet bois (offert) ou inox. Vous pouvez personnaliser votre fût avec la gravure d’un mot ou d’un logo, et le faire paraffiner et vernir si vous ne souhaitez pas faire un réel vieillissement, mais plutôt un stockage prolongé.

Retrouvez toute l’offre et la façon de réaliser votre propre vieillissement en suivant ce lien, et n’hésitez pas à nous contacter si vous avez besoin de conseils ou de plus d’informations !

2 thoughts on “Fûts, tonneaux, barriques… découvrons la tonnellerie

  1. Pourriez-vous me contacter je recherche un immense tonneau pour l’aménager

    1. Bonjour Béatrice,
      Nous ne vendons pas d’immenses tonneaux mais seulement des petits tonneaux à destination d’un vieillissement maison de quelques litres.
      Je vous recommande de contacter directement la Tonnellerie Allary. Peut être pourront ils répondre à votre demande.
      Bonne recherche !

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